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samedi 13 juin 2009

Marche contre les blocages: je n'y serai pas.

Comme tout le monde, j’ai entendu les appels pour aller marcher « contre les blocages ». En fait, il aurait été plus courageux et plus honnête, pour les organisateurs de cette manifestation, d’appeler directement à manifester « contre l’USTKE », parce que c’est bien de cela qu’il s’agit.

Je vais expliquer ici pourquoi je n’irai pas à cette marche (et pas seulement en raison de mon état de santé), mais aussi pourquoi j’appelle à ne pas y aller.

Personne ne me contredira si je dis que les évènements récents de Magenta sont à l’origine directe de cette marche. Je n’aurai pas la prétention de dire que j’ai tout compris dans ce conflit, mais compte tenu des difficultés que j’ai à passer des informations concernant le mien, j’accorderai à nos camarades de l’USTKE le bénéfice du doute et un soutien de principe comme je l’ai dit précédemment.

Revenons donc à l’origine du conflit de Magenta : AIRCAL refuse de renouveler le contrat à durée déterminée d’une jeune à qui il est reproché une faute professionnelle (je reviendrai à la fin sur ce point). C’est du moins l’information qui a été donnée par les media et relayée.

Alors déjà, y’a un problème : lorsqu’un employeur constate une faute qu’il estime suffisamment grave pour se débarrasser d’un salarié, il lui appartient de mettre un terme au contrat -que ce soit un CDD ou un CDI- en bonne et due forme. On appelle ça un licenciement… Sauf erreur, il n’y a pas eu licenciement à Magenta, mais non-renouvellement d’un CDD « pour faute ».

Cette pratique, très courante dans notre république bananière, n’en est pas moins illégale. Il n’est même pas besoin d’aller regarder le contrat et d’examiner pour quel motif cette jeune a été employée : il y a de grandes chances pour que, sur un plan juridique, l’emploi soit considéré comme permanent en raison de sa nature (sinon, le renouvellement ne serait pas évoqué !). On rencontre ce cas de figure très souvent dans ce pays, aussi bien dans le privé que dans le public : le CDD illégal (parce que correspondant à un emploi permanent : il sert de période d’essai allongée et déguisée) et le non renouvellement « pour faute » (qui prend alors la forme d’un licenciement déguisé). Une demande de requalification du CDD en CDI et du non renouvellement en licenciement ni réel ni sérieux serait reconnue sans grande difficulté auprès du tribunal du travail.

Oui mais voilà, pour y avoir défendu très régulièrement durant cinq ans des salariés auprès de cette juridiction en d’autres temps, je sais que les délais sont longs -même s’ils ont été écourtés par le biais du contrat de procédure- et que de toute manière, la reconnaissance d’un licenciement sans cause ni réelle ni sérieuse n’entraîne pas la réintégration du salarié.

De plus, les indemnités allouées sont dérisoires. On va dire un ou deux mois de salaire lorsque le salarié a moins de deux ans d’ancienneté -ce qui semble être le cas de cette jeune- et six mois pour ceux qui ont plus de deux ans d’ancienneté. Autrement dit des clopinettes pour un investissement en temps et en argent parfois conséquent.

L’USTKE dispose d’au moins deux qualités qui nous font défaut : elle est organisée et dotée de moyens. Elle dispose ainsi d’un service juridique redoutable et d’avocats très efficaces : je pense, bien que cela ne me regarde pas, que l’USTKE sait très bien qu’un recours au tribunal du travail lui donnerait gain de cause, mais dans quel délai, à quel prix et avec quels effets ?

Pour avoir fait appel au tribunal du travail en particulier et à d’autres aussi, je sais que les sanctions infligées aux patrons tricheurs sont sans commune mesure avec le préjudice causé au salarié. Le rapport de force est donc encore une fois inégal.

Voilà pourquoi je comprends la stratégie radicale de l’USTKE. Voilà pourquoi je n’irai pas marcher ce matin, quand bien même je le pourrais physiquement : les blocages reprochés à cette organisation ne sont que les conséquences de pratiques de tricheurs, courantes chez de nombreux employeurs et sanctionnées avec une légèreté ridicule, avec la complicité de l’Etat français qui n’exerce son contrôle de légalité que lorsque ça l’arrange. De plus, le haut-commissaire nous a dit le 10 avril 2009 qu’il n’interviendrait pas auprès des employeurs qui ne respectent pas le droit : AIRCAL a manifestement employé cette jeune dans un cadre illégal. Pourquoi les forces de l’ordre sont-elles intervenues alors ? Les conséquences (blocages notamment) font le bonheur de media : l’USTKE a ainsi régulièrement droit à la Une des Nouvelles calédoniennes. Elle utilise à merveille cette publicité gratuite et c’est de bonne guerre.

Ce matin, nombreux sont les citoyens « honnêtes », simplement opposés aux blocages, qui iront marcher (mais qui ne le seraient pas ?) Parmi eux se trouveront aussi ceux que je considère comme les responsables directs de ces fameux blocages, et notamment certains patrons connus pour leur non respect du droit (et les comptes, quand seront-ils déposés ?). Je ne serai pas à leurs côtés.

Pour finir, je reviendrai sur le motif du « non-renouvellement » du CDD de la jeune d'AIRCAL : la communication d’une information confidentielle. Si la même sévérité était appliquée aux agents du service des archives qui communiquent régulièrement et librement, pour des raisons qui m’échappent et en toute impunité, des informations confidentielles et/ou soumises à autorisation, plusieurs d’entre eux pointeraient au service de l’emploi de la province Sud depuis longtemps. Cela fait des années que mon camarade Claude Yeiwene et moi-même le dénonçons. Alors qu’on ne vienne pas nous emmerder avec cette histoire d’information relative au père de la jeune qui aurait été donnée à la mère (ou vice-versa)…

Il faudra bien un jour que la CSTNC, pour de nouveau se faire respecter par le patronat, revienne à des méthodes plus radicales, comparables en certains points à celles de l’USTKE. C’est mon avis. Je l’ai donné au chef et je vous invite à défendre cette position, faute de quoi la CSTNC est condamnée à disparaître puisque l’utilisation du droit est à elle seule insuffisante.

Nicolas Dubuisson

Responsable CSTNC Administration générale

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