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lundi 23 mai 2011

Billet d'excuses...

Convoqué devant le médiateur du procureur de la République le 18 mars 2011, suite à une plainte pour « incitation à la haine raciale » déposée par trois anciens collègues (madame Véronique Louis-Rose, mademoiselle Roselyne Kromopawiro et monsieur Jean Léonidas), j’ai présenté oralement des excuses aux personnes présentes lors de cette médiation, et les renouvelle aujourd’hui par écrit.

Je me suis également engagé à retirer du blog tous les propos concernant madame Véronique Louis-Rose et monsieur Jean Léonidas, dans le cadre de cette procédure et à leur verser un franc chacun de dommages et intérêts.

Comme je l’ai précisé durant la médiation, je regrette que nos relations, cordiales au départ, se soient envenimées à ce point. Tout comme je regrette qu’il m’ait fallu me lancer dans une grève de la faim et ouvrir un blog pour tenter de sensibiliser l’opinion sur la situation d’un service où un agent contractuel est resté durant neuf ans en situation irrégulière. Rien de tout cela ne se serait passé, si l’administration avait respecté le droit… Et je n’aurais pas eu d’échanges vifs avec certains de mes collègues, et notamment madame Véronique Louis-Rose et monsieur Jean Léonidas.

Je ne pensais pas m’être rendu coupable d’une telle infraction et ne pensais pas leur avoir causé un tel préjudice moral par le biais de mes propos. J’étais moi- même en grande souffrance. Cependant, j’ai constaté la leur et m’incline suite à la décision du procureur.

Mademoiselle Roselyne Kromopawiro a retiré sa plainte et ne s’est pas présentée à l’audience : qu’elle reçoive malgré tout toutes mes excuses.

Je les renouvelle ici, en toute sincérité, à l’attention de madame Véronique Louis-Rose et Monsieur Jean Léonidas, pour les propos susceptibles d’être qualifiés d’incitation à la haine raciale tenus par moi à leur encontre, en les remerciant d’avoir bien voulu les accepter.

Ne faisant plus partie de la CSTNC, c’est à titre personnel que je signe donc ce billet, dans un blog que j’ai ouvert en mai 2009 et cessé d’alimenter en octobre de la même année.

Nicolas Dubuisson

jeudi 8 octobre 2009

Magouilles consensuelles : "Décharges syndicales et arrangements avec la loi".


Excellent, l’article de Marc Baltzer du 4 octobre 2009 au sujet d’une question déjà abordée dans les Nouvelles du 7 juillet 2009.

Y’en a quelques-uns qui ont du souci à se faire en effet, tant du côté employeur que syndical ! Parce que dans cette histoire où le dialogue social s’accompagne de p’tits clins d’œil complices (« j’ferme un œil et toi aussi ! »), y’a comme un air de changement d’ère. Et bien tant mieux ! A bas les tricheurs qui coûtent cher à la collectivité et qui ne servent pas le syndicalisme -le vrai- pas celui des petits arrangements entre amis !

Mais laissons la parole aux Nouvelles :

"Être payé sans aller au travail, c’est possible quand on est représentant syndical. C’est même légal, si la décharge d’activité est encadrée. Mais dans la fonction publique, cet acquis social fait l’objet d’abus. L’un d’eux est tombé sous l’œil de la justice, récemment.

Un jour, Rosine Streeter, secrétaire générale du SLUA (1), est réapparue à l’OPT, son employeur.
« C’était il y a environ un mois, rapporte un collègue du centre financier de Nouméa. On l’a vue débouler au service des chèques, personne ne s’y attendait. Ça devait bien faire cinq ans qu’on ne la voyait pas. À l’époque, [Jean-Yves] Ollivaud [directeur de l’OPT] disait qu’il ne voulait plus l’avoir dans les pattes, qu’il préférait qu’elle soit en vadrouille. »
Qu’un représentant syndical soit soulagé de son activité professionnelle, totalement ou en partie, rien d’étonnant. C’est même un droit. Mais il y a des règles pour dire qui est déchargé, et de combien de temps. Des règles encore plus précises depuis la réforme du droit syndical de la fonction publique, votée en 2002 (lire ci-dessous). C’est à cette époque, d’ailleurs, que les problèmes de Rosine Streeter ont commencé.
Depuis 2006, son syndicat, le SLUA, n’est plus assez représenté dans la fonction publique pour obtenir des dispenses professionnelles. Or, Rosine Streeter a continué à consacrer une partie importante de son temps de travail à son syndicat, grâce à la tolérance tacite de son employeur.
Si elle est inquiétée aujourd’hui, ce n’est pas du fait de l’OPT, qui connaissait la situation même si l’office refuse de la commenter. C’est parce qu’une enquête a été lancée, cette année, par la brigade financière de la police. En épluchant la comptabilité de l’OPT dans le cadre de l’affaire Ollivaud, la situation de Rosine Streeter a été mise à jour. Une perquisition a été menée à ce sujet au siège de l’entreprise publique.

Les administrations et les syndicats ont des difficultés à appliquer les règles de la représentativité

Car une administration qui paie indûment un fonctionnaire peut se rendre coupable de détournement de fonds publics. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une commune fait travailler illégalement son personnel pour le compte de privés. Quant au bénéficiaire, il peut être inquiété pour recel de détournement de fonds publics.
Rien ne dit que l’enquête menée à l’OPT finira en procès. Rosine Streeter est considérée comme innocente tant que les soupçons des policiers ne sont pas confirmés par un juge. Contactée cette semaine, elle n’a pas souhaité réagir. Selon des sources proches de l’office, elle est en train de rassembler des justificatifs d’absence couvrant la période 2006-2009.
En qualité de présidente du SLUA, elle avait droit à une vingtaine de jours par an, pour assister aux congrès et aux réunions directrices. En tant que membre du conseil économique et social (CES), elle était également autorisée à s’absenter lors de travaux.
Quoi qu’il en soit, l’exemple illustre les difficultés qu’ont les administrations et les syndicats à appliquer les règles de la représentativité, pourtant négociées paritairement et votées au Congrès en 2006. Car le cas de Rosine Streeter est tout sauf unique, dans la fonction publique calédonienne (ci-dessous).
Le secteur privé, lui aussi, connaît de tels arrangements. Mais d’une part, de nouvelles règles sont en discussion, contrairement au secteur public, notamment sur la notion de permanent. Et d’autre part, dans le privé, les rémunérations abusives ne pénalisent pas des budgets issus de l’impôt, même si elles demeurent illégales.

(1) Syndicat libre unité action.

Marc Baltzer "

La suite vaut son pesant d’or :

" Une fonction publique plutôt coulante

S’arranger avec les décharges syndicales n’est pas l’apanage de l’OPT. Il s’agit d’une tradition ancrée dans plusieurs collectivités publiques.
Dans la fonction publique territoriale, les décharges d’activité dépendent directement des scores aux élections professionnelles (délégués du personnel et commissions paritaires) des deux années précédentes.
En dessous de 2,5 % pour un syndicat, pas de décharge. Entre 2,5 % et 5 %, ce sera un demi-poste. Puis un poste, entre 2,5 % et 5 %. Le tableau se poursuit jusqu’à 95 % des voix, ce qui correspond à quinze postes à temps plein, le maximum (1).
Tous les ans, le gouvernement publie les chiffres. Ensuite, chaque organisation désigne les représentants auxquels elle accorde une dispense. Celle-ci peut varier de 10 % à 100 % du temps de travail. Avec un poste à temps plein, un syndicat peut ainsi décharger quatre fonctionnaires à 25 %.
Mais ce beau schéma est régulièrement oublié. Les administrations qui avaient l’habitude de s’arranger au cas par cas ont continué, après la réforme de 2002.
« Moi, je suis à 60 % de décharge, explique Joao D’Almeida, patron de la Fédération des fonctionnaires. Mais je ne travaille pas toujours 30 % de mon temps, sinon ce serait impossible de faire tourner le syndicat. ». Avec huit postes déchargés, la Fédération aurait pu dispenser son président à temps plein. Mais en se limitant à 60 % pour Joao D’Almeida (40 % en 2008, 30 % en 2007), il conserve des bouts de postes pour d’autres responsables.
Quelquefois, l’arrangement va au-delà du simple arrondi statistique. Certains responsables bénéficient de décharges totales alors qu’ils ne figurent dans aucun registre. Du temps de travail « au noir », en quelque sorte, que les collectivités offrent avec l’argent public.
Jusqu’à cette année, l’ex-patron de Force ouvrière, Jean-Claude Nègre, était dans cette situation. Pendant des années, « j’ai été totalement déchargé à l’hôpital, alors que c’était illégal », reconnaît l’intéressé, responsable prévention des risques au CHT. Le « deal » conclu entre FO et la direction a cessé quand Jean-Claude Nègre a été remplacé à la tête du syndicat.
Wazana Naxue, du SOTPM (affilié Cogetra-SFPT), est également dans une situation ambivalente. Institutrice à la province Sud, elle n’a pas de décharge officielle. « Mais l’employeur peut m’en donner une, concède-t-elle. Avant la dernière mandature [provinciale], mon employeur m’avait laissé une décharge totale sur la base d’une présomption de représentativité (...) Normalement, mon syndicat devrait payer des permanents, mais on fonctionne seulement sur les cotisations, c’est impossible. Ce sujet, c’est une poudrière, même si ce sont des arrangements que tout le monde connaît. »

(1) Délibération n° 310 du 27 août 2002 relative à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique. "

Alors l’un se décharge à 60 % alors que l’organisation qu’il dirige bénéficie de 8 décharges complètes, tout en avouant ne pas travailler toujours 30% de son temps, "sinon ce serait impossible de faire tourner le syndicat"... Ben voyons! Et les autres décharges complètes, elles servent à quoi ?

L’autre considère que "c’est une poudrière, , même si ce sont des arrangements que tout le monde connaît." Et alors ? C’est illégal, tout simplement. Une magouille diraient certains…

La palme de la déclaration revient quand même à l’inégalable Jean-Claude Nègre qui reconnaît : "pendant des années, « j’ai été totalement déchargé à l’hôpital, alors que c’était illégal »". A l’insu de son plein gré quoi ! En voilà un bel aveu en tout cas…

L’article précise : "Le « deal » conclu entre FO et la direction a cessé quand Jean-Claude Nègre a été remplacé à la tête du syndicat."

C’est curieux, parce qu’en 2006, j’avais écrit à la présidente du gouvernement pour lui demander sur quelle base légale reposait l’absence totale de Jean-Claude Nègre du CHT, lieu où il était censé s’occuper de la sécurité de cet établissement public hospitalier pourtant bien malade ! Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie avait botté en touche en répondant que c’était de la compétence directe du CHT, mais monsieur Nègre avait rapidement retrouvé un beau bureau, avec son nom sur la porte… Et j’apprends là qu’il ne l’occupait même pas ?

Que dire de plus ? J’espère que tout ce beau monde (tricheurs employeurs et syndicalistes) se prendront une bonne décharge du côté de la justice, histoire de remettre les pendules à l’heure.

"Car une administration qui paie indûment un fonctionnaire peut se rendre coupable de détournement de fonds publics. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une commune fait travailler illégalement son personnel pour le compte de privés. Quant au bénéficiaire, il peut être inquiété pour recel de détournement de fonds publics."

C’est bon à savoir. Certaines grenouilles de bénitier se diront : "Mon Dieu, pourvu que la justice ferme les deux yeux" (pas grave, puisqu’elle est aveugle !) "et qu’aucun procédurier ne porte plainte pour détournement de fonds publics contre les uns et recel contre les autres", parce que ça sentirait la grande lessive tout d’un coup ! Si on ne peut même plus magouiller en paix maintenant, c’est la fin du monde, enfin ... d’un monde ! Celui de Papy et de ses grosses magouilles bien sûr !

Ben nous, il y a déjà plusieurs mois, on a demandé à la chambre des comptes une enquête sur l’ensemble des emplois fictifs du monde du travail (y compris ceux-là) : on verra bien ce que ça donnera !

Nicolas Dubuisson
Responsable CSTNC Administration générale

samedi 19 septembre 2009

Harcèlement moral: "Le suicide en entreprise est rarement reconnu comme un accident du travail."


"Pour la première fois, le suicide d'une salariée de France Telecom a été déclaré à la Sécurité sociale comme un accident du travail. Cette précision a été apportée, mardi 15 septembre, en marge de la rencontre entre le ministre du travail, Xavier Darcos, et le PDG du groupe, Didier Lombard.

Le 11 septembre, une femme de 32 ans s'était donné la mort, à Paris, sur le site de France Télécom où elle était employée. Le signalement de son décès à la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) résulte uniquement de l'application des textes : lorsqu'une personne meurt sur son lieu de travail, l'employeur est tenu de la déclarer ; à l'administration s'il s'agit d'un fonctionnaire, à la "Sécu" si c'est un salarié soumis au code du travail. La jeune femme qui a mis fin à ses jours le 11 septembre était une contractuelle de droit privé, alors que les autres suicides survenus dans des sites de France Telecom ces dernières années concernaient des fonctionnaires.

Ces cas de figure restent extrêmement rares en France. D'après la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM), 49 suicides ont été déclarés en 2008 comme ayant une cause professionnelle (21 au cours du premier semestre 2009). Ces chiffres englobent des décès qui ont eu lieu dans l'enceinte de l'entreprise ou en dehors.

S'agissant des suicides commis sur le lieu de travail, la Sécurité sociale enquête pour s'assurer qu'ils sont liés aux conditions dans lesquelles la victime exerçait sa profession. Pour les personnes qui se donnent la mort à l'extérieur de l'entreprise, leurs ayants-droit doivent apporter la preuve qu'un tel geste a été provoqué par le travail, ce qui dans les faits s'avère très compliqué. Au final, un suicide sur cinq déclarés à la "Sécu" est reconnu comme accident du travail.

"Dans le cas de France Télécom, la direction mettra sans doute tout en oeuvre pour démontrer que le suicide du 11 septembre n'a pas d'origine professionnelle et qu'il résulte des problèmes personnels de la salariée", commente Noëlle Burgi, chercheur au CNRS et membre de l'Observatoire du stress fondé par la CFE-CGC et SUD-PTT. Une entreprise y a, en effet, intérêt car le montant des cotisations qu'elle verse à la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) augmente si le nombre de morts imputables au travail s'accroît.

Lorsqu'un suicide est reconnu comme un accident du travail, par une CPAM ou par le tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS), les proches de la victime ont droit à une rente. Ceux-ci peuvent également saisir le TASS pour que l'employeur soit condamné pour "faute inexcusable". Si la justice leur donne gain de cause, la rente est majorée et ils bénéficient de dommages et intérêts. Mais cette procédure est peu utilisée, explique Me Rachel Saada.

Non-lieu

Un recours au civil devant le tribunal de grande instance est aussi possible si la famille du salarié estime avoir subi un préjudice qu'il faut réparer par des dommages et intérêts. En revanche, les actions au pénal semblent très incertaines. Le plus souvent, les parquets n'ouvrent pas d'enquête sauf si les proches de la victime portent plainte. Les investigations qui sont alors conduites se soldent en général par un non-lieu ou par un classement de suite. C'est, par exemple, ce qui s'est produit dans l'affaire des trois salariés du Technocentre de Renault, qui avaient mis fin à leur jour en 2006 et en 2007.

"Toutes ces démarches ne sont pas seulement importantes d'un point de vue financier, elles permettent aussi aux proches des salariés qui se sont suicidés d'espérer mieux faire leur travail de deuil", estime Mme Burgi. "

Bertrand Bissuel et Cécile Ducourtieux

Gambie: la CSI et la FIJ saluent la libération des journalistes.

CONFÉDÉRATION SYNDICALE INTERNATIONALE


CSI en ligne
137/10909

Gambie: La CSI et la FIJ saluent la libération des journalistes

Bruxelles, le 4 septembre 2009 (CSI EnLigne): La CSI s’est jointe à la Fédération internationale des journalistes pour saluer la libération des six membres du syndicat des journalistes de Gambie, GPU, condamnés le 6 août par la cour suprême de Banjul à une peine de deux ans ferme, assortie d’une amende de 20 000 dollars US, pour diffusion d’informations séditieuses et diffamation criminelle.

Selon le GPU, les six journalistes, Sarata Jabbi-Dibba, Emil Touray et Pa Modou Faal, respectivement vice-présidente, secrétaire général et trésorier du GPU, Pap Saine et Ebou Sawaneh, éditeur et rédacteur du journal The Point, et Sam Sarr, rédacteur du journal Foroyaa, ont été libérés hier, le 3 septembre, à 21 heures.

Toujours selon le syndicat, le ministre de l’Intérieur, Ousman Sonko, a qualifié la grâce présidentielle de geste « humanitaire » du président Yahya Jammeh s’inscrivant dans l’esprit du ramadan.

Les six journalistes avaient été arrêtés en juin pour avoir fustigé publiquement les propos du président Jammeh au sujet de Deyda Hydara, un éminent journaliste gambien assassiné en 2004 dans des circonstances non encore élucidées. Le septième journaliste, Abubcarr Saidykhan, de Foroyaa, avait été arrêté puis libéré.

La CSI et la FIJ avaient condamné leur arrestation de même que le déroulement de leur procès à huis clos, entaché de nombreuses violations de procédure. Les fédérations avaient également soutenu l’impressionnante campagne menée par le GPU pour obtenir la libération des journalistes.

« La FIJ a soutenu dès le début que le procès était injustifié et nous sommes heureux que le président Jammeh l’ait compris et ait gracié les journalistes, a annoncé Jim Boumelha, président de la FIJ. Nous espérons qu’il s’agit du commencement d’une ère nouvelle où les journalistes seront traités avec respect et qui conduira à une réforme drastique des lois sur la sédition et la diffamation en particulier, et à l’introduction de lois sur la liberté d’information et sur l’accès à l’information, conformément aux normes internationales. »

La CSI représente 170 millions de travailleuses et de travailleurs au travers de 312 organisations nationales de 157 pays.
Sites web: http://www.ituc-csi.org et http://www.youtube.com/ITUCCSI

Pour de plus amples informations, veuillez contacter le Service Presse de la CSI aux numéros suivants:
+32 2 224 0204 ou +32 476 621 018.

vendredi 18 septembre 2009

Harcèlement moral: "Si on ne repense pas le travail, il faut s'attendre à pire que des suicides".

Trouvé sur lemonde.fr, cet article intéressant sur le suicide sur le lieu de travail. Compte tenu du sujet abordé, il mérite sa présentation intégrale ici. De plus, le site renvoie à des articles tout aussi intéressants sur cette question. Ils seront présentés sur ce blog les uns après les autres.

"Auteur de "Suicide et travail : que faire ?" (PUF, 2009), Christophe Dejours, psychanalyste, appelle à repenser le travail pour sortir des logiques gestionnaires qui détruisent le tissu socio-professionnel tout en faisant croire qu'elles traitent les problèmes des salariés.

Pourquoi parle-t-on plus aujourd'hui du suicide au travail ?

Christophe Dejours : Parce que les suicides sur les lieux de travail n'existaient pas avant. Ils sont apparus il y a une douzaine d'années, sans avoir été relayés. Le tournant s'est opéré en 2007, avec les cas de suicides chez Renault et Peugeot.
Les premiers suicides dont j'ai entendu parler constituaient pour moi une forme de décompensation psycho-pathologique parmi d'autres. C'est la répétition des choses qui est devenue hallucinante. Non seulement, il y avait un suicide sur les lieux de travail mais généralement il ne se passait rien après. Ces suicides au travail marquent incontestablement une sorte de bascule qui frappe le monde du travail.

Pour un suicide lié au travail combien de tentatives de suicide et de personnes internées en raison du travail ?

On ne peut pas le chiffrer car on n'a pas fait d'enquêtes épidémiologiques. Le ministère du travail fait la sourde oreille à mes demandes. Grâce à la commission mise en place par le gouvernement et dirigée par David Le Breton et dont je suis membre, nous avons réussi à obtenir que dans les statistiques sur les conditions de travail, il y ait désormais un item lié au suicide-travail. D'après une étude réalisée en 2005 en Basse-Normandie, on arrive à un taux de suicide, quand on l'extrapole à l'ensemble de la France, de 300-400 suicides par an. Mais le chiffre ne change rien.

Dans votre ouvrage, vous invalidez la défaillance individuelle comme seule raison du suicide...

Il y a des cas de suicides que l'on ne peut imputer à des difficultés dans l'espace privé : troubles névrotiques, psychotiques, dépressifs, des symptômes précurseurs, ni à un terrain de vulnérabilité particulière. C'est même là aussi une bascule pour la psychopathologie générale.
Ce qui est surprenant c'est que nous avons des personnes qui vont très bien et qui se suicident. On ne peut les expliquer avec les références habituelles de la psychiatrie. Il y a une bascule dans l'ordre social, dans le fonctionnement de la société, c'est aussi le signe d'une rupture dans la culture et la civilisation : les gens se tuent pour le travail. Cela oblige à repenser les catégories habituelles de notre discipline et à revoir ce que les sociologues du suicide disent, en particulier Emile Durkheim dans son livre Le Suicide qui contestait les positions des psychopathologues. Du coup, on est obligé de revenir à ce qui se dit sur la solitude. On avait donc un peu raison.

Vous écrivez qu'il y a trente ans, il n'y avait pas de suicide au travail pour deux raisons : la résistance à l'effort et des solidarités plus fortes...

Oui, il y avait les autres, un collectif de travail, des stratégies de défense. On ne laissait pas un type s'enfoncer. J'ai vu des ouvriers alcooliques qui ne pouvaient pas monter sur les toits pour travailler. Les copains lui demandaient de rester en bas. Ils faisaient le boulot à sa place. Vous vous rendez compte de ce que cela veut dire en termes de prévention de l'accident, de prévention du suicide, de prévention des troubles psychopathologiques ? C'est impensable aujourd'hui ! On apprend aujourd'hui le pire alors qu'on apprenait le meilleur hier : la solidarité. C'est parce qu'on a adopté de nouvelles méthodes au travail que l'on a aujourd'hui un désert au sens arendtien du terme : la solitude totale.


C'est ce que vous appelez le passage du critère "travail" au critère "gestion du travail"...

A partir des années 1980, les gestionnaires se sont imposés dans le paysage, en introduisant l'idée que l'on pouvait faire de l'argent non pas avec le travail mais en faisant des économies sur les stocks, les ratés, les retouches, les effectifs. Tout ce qui est à la marge peut être l'objet d'économies. Partout, on vous apprend que la source de la richesse c'est la gestion des stocks et des ressources humaines, ce n'est plus le travail. Nous le payons maintenant ! Cette approche gestionnaire croit mesurer le travail, mais c'est conceptuellement et théoriquement faux ! Il n'y a pas de proportionnalité entre le résultat du travail et le travail. C'est très grave, car cela signifie que la comptabilité est fausse. D'où la contestation.

C'est donc le décalage entre la réalité du travail et la vision gestionnaire qui augmente le stress des salariés ?

Les gestionnaires qui ne regardent que le résultat ne veulent pas savoir comment vous les obtenez : c'est un contrat d'objectif, disent-ils. C'est comme ça que les salariés deviennent fous, parce qu'ils n'y arrivent pas. Les objectifs qu'on leur assigne sont incompatibles avec le temps dont ils disposent.

Cette logique gestionnaire se rapproche-t-elle de la logique totalitaire selon la conception d'Hannah Arendt, que vous citez dans votre bibliographie ?

C'est assez difficile d'être affirmatif mais la question est posée, car les gens sont amenés à faire des tâches qu'ils réprouvent et il y a une machinerie très puissante qui est mise en œuvre et qui a avec le totalitarisme ce point commun qu'on traite l'humain comme quelque chose d'inutile, d'interchangeable. On lance des slogans pour faire croire qu'on fait des ressources humaines mais dans la réalité, c'est la gestion kleenex : on prend les gens, on les casse, on les vire. L'être humain au fond est une variable d'ajustement, ce qui compte, c'est l'argent, la gestion, les actionnaires, le conseil d'administration.

Ce qui pose forcément la question de la responsablité...

A l'évidence, ce sont les dirigeants d'entreprise, des politiques d'entreprise, le Medef, la refondation sociale mais aussi l'Etat, qui sont responsables. Il joue toujours un rôle de régulateur et là il s'est aligné sur le Medef. La responsabilité est aussi partagée par nous tous dans notre rapport au système qui ne marche pas sans notre collaboration, notre intelligence, notre zèle. Toute organisation du travail est aussi une organisation politique et une certaine conception de la domination.

Qu'entendez-vous par "repenser le travail" comme solution à la dégradation de la santé mentale au travail ?

Il faut rompre avec les modèles d'évaluation dont je vous ai parlé et repenser le travail à partir du travail collectif : c'est la question de la coopération et des instruments d'analyse du travail collectif. Puis, il ne faut plus mesurer le travail mais entrer dans la matérialité du travail. Enfin, c'est possible, puisque je l'ai fait dans un certain nombre d'entreprises. Quand on fait ce changement de cap, ce n'est pas qu'une catégorie particulière qui souffre, c'est tout le monde. Car c'est un réel changement de posture. Mais une fois que le mouvement est lancé, les gens vont beaucoup mieux.

Votre modèle casse la logique du Medef ?

Effectivement, mais il y aussi des patrons qui viennent me voir pour me demander de changer les instruments d'évaluation. N'oublions pas que l'évaluation du coût de la santé mentale au travail représente 3 à 6 % du PIB aujourd'hui dans tous nos pays. Donc les gens ont tout à gagner à faire ce travail de réévaluation.

Votre méthode a-t-elle rencontré des échecs ?

Oui, des démarches s'arrêtent en cours de route. L'idéologie de France Télécom, c'est de casser les gens, les faire plier. Les gens ne comprennent plus. D'un côté, on demande aux cadres de virer des gens, de l'autre, on leur dit, vous êtes responsables de dépister les gens qui ne vont pas bien. La responsabilité incombe à ces managers tiraillés entre recevoir l'ordre de casser les gens et d'en assumer la responsabilité. Ils tombent malades. Mais il y a aussi le suicide, l'infarctus, l'hémorragie cérébrale. Pour en sortir, il faut un accord négocié sur la démarche et sur la cohérence par rapport à la politique de l'entreprise.

Sinon vous prenez le risque d'être associé à un alibi ?

Oui. Mais nous ne voulons pas passer pour un alibi, car à ce moment-là, nous échouons. Les alibis, ce sont les autres, ceux qui font de la gestion individuelle du stress, qui vendent de la relaxation. Les coachs, eux sont la vitrine et l'effet slogan. Ils font croire qu'ils font quelque chose. Et quand cela ne marche pas, ils disent aux salariés : "Vous ne savez pas gérer votre stress".

Une personne peut en cas de détresse se suicider mais aussi retourner son arme contre ses collègues, sa hiérarchie ou saboter gravement l'entreprise ? Est-ce déjà arrivé ?

Des tentatives de meurtres ont déjà été enregistrées. J'ai vu un gars armé tenir en joue tout l'état-major de l'entreprise pendant une matinée. J'ai vu aussi des sabotages extrêmement graves, notamment dans des centrales nucléaires.

Ces cas sont-ils récents ?

On a arrêté des sabotages au dernier moment. Mais je ne peux pas vous en dire plus, je suis sous le sceau du secret. Souvenez-vous de ce cas connu à la centrale nucléaire de Paluel (Seine-Maritine), où une personne a cassé la 1re tranche, puis la 2e tranche, puis la 3e tranche en une heure et demie. Il a failli détruire tout le centre de production nucléaire, alors qu'il y a des maîtres-chiens, des contrôles. Comment a-t-il fait ? Si ce n'est au moins avec la passivité des copains. Dans une autre centrale, le gars voulait découpler la centrale du réseau. S'il y était parvenu, la centrale aurait sauté. Ce sont des membres de la CGT qui lui ont "cassé la gueule" pour l'arrêter.

Propos recueillis par Gaïdz Minassian