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jeudi 8 octobre 2009

Magouilles consensuelles : "Décharges syndicales et arrangements avec la loi".


Excellent, l’article de Marc Baltzer du 4 octobre 2009 au sujet d’une question déjà abordée dans les Nouvelles du 7 juillet 2009.

Y’en a quelques-uns qui ont du souci à se faire en effet, tant du côté employeur que syndical ! Parce que dans cette histoire où le dialogue social s’accompagne de p’tits clins d’œil complices (« j’ferme un œil et toi aussi ! »), y’a comme un air de changement d’ère. Et bien tant mieux ! A bas les tricheurs qui coûtent cher à la collectivité et qui ne servent pas le syndicalisme -le vrai- pas celui des petits arrangements entre amis !

Mais laissons la parole aux Nouvelles :

"Être payé sans aller au travail, c’est possible quand on est représentant syndical. C’est même légal, si la décharge d’activité est encadrée. Mais dans la fonction publique, cet acquis social fait l’objet d’abus. L’un d’eux est tombé sous l’œil de la justice, récemment.

Un jour, Rosine Streeter, secrétaire générale du SLUA (1), est réapparue à l’OPT, son employeur.
« C’était il y a environ un mois, rapporte un collègue du centre financier de Nouméa. On l’a vue débouler au service des chèques, personne ne s’y attendait. Ça devait bien faire cinq ans qu’on ne la voyait pas. À l’époque, [Jean-Yves] Ollivaud [directeur de l’OPT] disait qu’il ne voulait plus l’avoir dans les pattes, qu’il préférait qu’elle soit en vadrouille. »
Qu’un représentant syndical soit soulagé de son activité professionnelle, totalement ou en partie, rien d’étonnant. C’est même un droit. Mais il y a des règles pour dire qui est déchargé, et de combien de temps. Des règles encore plus précises depuis la réforme du droit syndical de la fonction publique, votée en 2002 (lire ci-dessous). C’est à cette époque, d’ailleurs, que les problèmes de Rosine Streeter ont commencé.
Depuis 2006, son syndicat, le SLUA, n’est plus assez représenté dans la fonction publique pour obtenir des dispenses professionnelles. Or, Rosine Streeter a continué à consacrer une partie importante de son temps de travail à son syndicat, grâce à la tolérance tacite de son employeur.
Si elle est inquiétée aujourd’hui, ce n’est pas du fait de l’OPT, qui connaissait la situation même si l’office refuse de la commenter. C’est parce qu’une enquête a été lancée, cette année, par la brigade financière de la police. En épluchant la comptabilité de l’OPT dans le cadre de l’affaire Ollivaud, la situation de Rosine Streeter a été mise à jour. Une perquisition a été menée à ce sujet au siège de l’entreprise publique.

Les administrations et les syndicats ont des difficultés à appliquer les règles de la représentativité

Car une administration qui paie indûment un fonctionnaire peut se rendre coupable de détournement de fonds publics. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une commune fait travailler illégalement son personnel pour le compte de privés. Quant au bénéficiaire, il peut être inquiété pour recel de détournement de fonds publics.
Rien ne dit que l’enquête menée à l’OPT finira en procès. Rosine Streeter est considérée comme innocente tant que les soupçons des policiers ne sont pas confirmés par un juge. Contactée cette semaine, elle n’a pas souhaité réagir. Selon des sources proches de l’office, elle est en train de rassembler des justificatifs d’absence couvrant la période 2006-2009.
En qualité de présidente du SLUA, elle avait droit à une vingtaine de jours par an, pour assister aux congrès et aux réunions directrices. En tant que membre du conseil économique et social (CES), elle était également autorisée à s’absenter lors de travaux.
Quoi qu’il en soit, l’exemple illustre les difficultés qu’ont les administrations et les syndicats à appliquer les règles de la représentativité, pourtant négociées paritairement et votées au Congrès en 2006. Car le cas de Rosine Streeter est tout sauf unique, dans la fonction publique calédonienne (ci-dessous).
Le secteur privé, lui aussi, connaît de tels arrangements. Mais d’une part, de nouvelles règles sont en discussion, contrairement au secteur public, notamment sur la notion de permanent. Et d’autre part, dans le privé, les rémunérations abusives ne pénalisent pas des budgets issus de l’impôt, même si elles demeurent illégales.

(1) Syndicat libre unité action.

Marc Baltzer "

La suite vaut son pesant d’or :

" Une fonction publique plutôt coulante

S’arranger avec les décharges syndicales n’est pas l’apanage de l’OPT. Il s’agit d’une tradition ancrée dans plusieurs collectivités publiques.
Dans la fonction publique territoriale, les décharges d’activité dépendent directement des scores aux élections professionnelles (délégués du personnel et commissions paritaires) des deux années précédentes.
En dessous de 2,5 % pour un syndicat, pas de décharge. Entre 2,5 % et 5 %, ce sera un demi-poste. Puis un poste, entre 2,5 % et 5 %. Le tableau se poursuit jusqu’à 95 % des voix, ce qui correspond à quinze postes à temps plein, le maximum (1).
Tous les ans, le gouvernement publie les chiffres. Ensuite, chaque organisation désigne les représentants auxquels elle accorde une dispense. Celle-ci peut varier de 10 % à 100 % du temps de travail. Avec un poste à temps plein, un syndicat peut ainsi décharger quatre fonctionnaires à 25 %.
Mais ce beau schéma est régulièrement oublié. Les administrations qui avaient l’habitude de s’arranger au cas par cas ont continué, après la réforme de 2002.
« Moi, je suis à 60 % de décharge, explique Joao D’Almeida, patron de la Fédération des fonctionnaires. Mais je ne travaille pas toujours 30 % de mon temps, sinon ce serait impossible de faire tourner le syndicat. ». Avec huit postes déchargés, la Fédération aurait pu dispenser son président à temps plein. Mais en se limitant à 60 % pour Joao D’Almeida (40 % en 2008, 30 % en 2007), il conserve des bouts de postes pour d’autres responsables.
Quelquefois, l’arrangement va au-delà du simple arrondi statistique. Certains responsables bénéficient de décharges totales alors qu’ils ne figurent dans aucun registre. Du temps de travail « au noir », en quelque sorte, que les collectivités offrent avec l’argent public.
Jusqu’à cette année, l’ex-patron de Force ouvrière, Jean-Claude Nègre, était dans cette situation. Pendant des années, « j’ai été totalement déchargé à l’hôpital, alors que c’était illégal », reconnaît l’intéressé, responsable prévention des risques au CHT. Le « deal » conclu entre FO et la direction a cessé quand Jean-Claude Nègre a été remplacé à la tête du syndicat.
Wazana Naxue, du SOTPM (affilié Cogetra-SFPT), est également dans une situation ambivalente. Institutrice à la province Sud, elle n’a pas de décharge officielle. « Mais l’employeur peut m’en donner une, concède-t-elle. Avant la dernière mandature [provinciale], mon employeur m’avait laissé une décharge totale sur la base d’une présomption de représentativité (...) Normalement, mon syndicat devrait payer des permanents, mais on fonctionne seulement sur les cotisations, c’est impossible. Ce sujet, c’est une poudrière, même si ce sont des arrangements que tout le monde connaît. »

(1) Délibération n° 310 du 27 août 2002 relative à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique. "

Alors l’un se décharge à 60 % alors que l’organisation qu’il dirige bénéficie de 8 décharges complètes, tout en avouant ne pas travailler toujours 30% de son temps, "sinon ce serait impossible de faire tourner le syndicat"... Ben voyons! Et les autres décharges complètes, elles servent à quoi ?

L’autre considère que "c’est une poudrière, , même si ce sont des arrangements que tout le monde connaît." Et alors ? C’est illégal, tout simplement. Une magouille diraient certains…

La palme de la déclaration revient quand même à l’inégalable Jean-Claude Nègre qui reconnaît : "pendant des années, « j’ai été totalement déchargé à l’hôpital, alors que c’était illégal »". A l’insu de son plein gré quoi ! En voilà un bel aveu en tout cas…

L’article précise : "Le « deal » conclu entre FO et la direction a cessé quand Jean-Claude Nègre a été remplacé à la tête du syndicat."

C’est curieux, parce qu’en 2006, j’avais écrit à la présidente du gouvernement pour lui demander sur quelle base légale reposait l’absence totale de Jean-Claude Nègre du CHT, lieu où il était censé s’occuper de la sécurité de cet établissement public hospitalier pourtant bien malade ! Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie avait botté en touche en répondant que c’était de la compétence directe du CHT, mais monsieur Nègre avait rapidement retrouvé un beau bureau, avec son nom sur la porte… Et j’apprends là qu’il ne l’occupait même pas ?

Que dire de plus ? J’espère que tout ce beau monde (tricheurs employeurs et syndicalistes) se prendront une bonne décharge du côté de la justice, histoire de remettre les pendules à l’heure.

"Car une administration qui paie indûment un fonctionnaire peut se rendre coupable de détournement de fonds publics. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une commune fait travailler illégalement son personnel pour le compte de privés. Quant au bénéficiaire, il peut être inquiété pour recel de détournement de fonds publics."

C’est bon à savoir. Certaines grenouilles de bénitier se diront : "Mon Dieu, pourvu que la justice ferme les deux yeux" (pas grave, puisqu’elle est aveugle !) "et qu’aucun procédurier ne porte plainte pour détournement de fonds publics contre les uns et recel contre les autres", parce que ça sentirait la grande lessive tout d’un coup ! Si on ne peut même plus magouiller en paix maintenant, c’est la fin du monde, enfin ... d’un monde ! Celui de Papy et de ses grosses magouilles bien sûr !

Ben nous, il y a déjà plusieurs mois, on a demandé à la chambre des comptes une enquête sur l’ensemble des emplois fictifs du monde du travail (y compris ceux-là) : on verra bien ce que ça donnera !

Nicolas Dubuisson
Responsable CSTNC Administration générale